La Retraite ne doit pas être vendue aux capitalistes

Michaël Zemmour est enseignant-chercheur à l’Université Paris 1 (Centre d’Economie de la Sorbonne) et chercheur associé à Sciences Po (LIEPP). Il travaille sur l’économie politique de l’Etat social et ses transformations, avec un intérêt particulier sur les questions de prélèvements obligatoires.

Il a rédigé un article sur son blog dans Alternatives Economiques, le 2 décembre 2022 sur :

Cinq pistes pour combler le déficit des retraites sans se fatiguer.

 En voici quelques extraits.

« Le gouvernement cherche semble-t-il à combler rapidement le déficit prévisionnel des retraites d’ici 2027. Comme il l’indique lui-même (PLF 2023 page 9), programme de stabilité page 3), il ne le fait pas d’abord pour des raisons inhérentes au système des retraites, mais plus pour pouvoir afficher une réduction globale du déficit structurel qu’il a lui-même aggravé (notamment par la baisse de la CVAE ou de la taxe d’habitation).

(…) Cela étant, chercher à résorber le déficit d’ici 2027, n’est ni nécessaire, ni forcément la meilleure chose à faire. En effet un système de retraite peut tout à fait tolérer un déficit à condition que celui-ci soit transitoire (…), soit parce que la conjoncture est défavorable(…).

Mais admettons, pour l’exercice, et parce que c’est l’objectif que se fixe le gouvernement qu’il faille trouver 12 milliards d’euros d’ici 2027 comme le souhaite Elisabeth Borne (…). Voici quelques pistes, faciles à mettre en œuvre qui ensemble représenteraient 35 milliards d’euros si elles étaient toutes mises en œuvre. (…)

Pour combler le déficit il suffirait d’en mettre en œuvre un tiers, pour enrayer complètement la baisse des pensions il faudrait aller un peu plus loin, mais à un horizon plus éloigné (2040 par exemple).

Revenir sur les exonérations de cotisations les plus inutiles : 2 milliards d’euros par an

(…) une partie des exonérations de cotisations employeurs, la partie ciblée sur les salaires supérieurs à 2,5 SMIC est à la fois inutile et coûteuse. Leur suppression rapporterait à l’Etat 2 milliards d’euros qu’il pourrait consacrer au système de retraite. (…)

Soumettre l’épargne salariale à cotisations retraite : 3 milliards en 2027.

(…)L’inclusion de l’épargne salariale rapporterait aux régimes de retraite un flux de cotisations de l’ordre de 3,5 milliards d’euros supplémentaires par an. En contrepartie les salariés obtiendraient des droits à la retraite sur les sommes versées par l’employeur au titre de l’épargne salariale. (…)

Ralentir le remboursement de la dette sociale : 10 milliards en 2027

Aujourd’hui, pour amortir la dette sociale issue de la gestion (discutable financièrement) par l’Etat de la crise du COVID, des ressources importantes sont absorbées chaque année par la CADES. On pourrait ralentir le rythme d’amortissement de la dette sociale en décidant de n’y consacrer que les recettes de la CRDS. La part de la CSG et du Fond de réserve des retraites aujourd’hui dirigée vers la CADES pourraient être affectée au financement des retraites. Ces ressources représentent de l’ordre de 10 milliards annuels. Du point de vue de la gestion des finances sociales, cette piste très cohérente avait été évoquée, notamment pour financer la dépendance (rapport Libault).

Revenir sur la baisse de la CVAE : 8 Milliards par an dès 2024

La décision de baisse des impôts de production, qui poursuit une baisse entamée depuis plusieurs années est extrêmement coûteuse. Elle coûte déjà depuis 2020 une quinzaine de milliards d’euro par an et va encore coûter 8 milliards d’euros de plus par an à partir de 2024. Or cette mesure n’a même pas fait l’objet d’une évaluation précise. (…)

Augmenter les cotisations de 0,8 point d’ici 2027 : 12 Milliards de recettes

Sous les hypothèses du gouvernement (sans doute trop optimistes) cela donne 11€ net par mois en 2027 pour une personne au SMIC et 22€ net pour une personne au salaire moyen (2574€ en 2022), en faisant l’hypothèse (extrême) que l’intégralité de la hausse de cotisation est supportée par les salariés et non par les employeurs. (…)

Une alternative également praticable serait d’augmenter les cotisations au-dessus du plafond de la sécurité sociale seulement. Les effets seraient ainsi concentrés sur les salariés dont le salaire brut est supérieur à 3 666€ mensuel, ce qui exclurait une baisse de pouvoir d’achat pour les ménages modestes et n’aurait sans doute aucun effet négatif sur l’emploi. Il suffirait pour cela d’augmenter la cotisation retraite déplafonnée par exemple en diminuant la cotisation retraite plafonnée.

Bref, trouver 12 milliards d’euros, d’ici 2027 dans un système de retraite qui collecte plus de 300 milliards d’euros par an, et dans un contexte où le gouvernement est capable d’augmenter les dépenses ou de baisser les prélèvements à coup de dizaines de milliards n’est vraiment pas une montagne. Encore une fois les pistes évoquées ici se font à cadre constant (sans changement du rapport de force sur les salaires, sans changement de cadre économique), et ne sont pas « gratuite ». Mais il est assez certain que toutes seront jugées par la plupart des assurés nettement préférables à une augmentation très rapide de l’âge minimal de la retraite. »

Voir aussi les repères revendicatifs de la CGT sur le sujet ICI

La retraite ne doit pas être vendue aux capitalistes

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